Carnet de voyage : l’exposition Umeten à Aomori

26 février, 2018 dans Compte-rendus, Japon

Umeten est une exposition sur les œuvres de l’artiste Ume AOKI, célèbre pour son manga Hidamari Sketch et son travail de character design pour Madoka☆Magica. Umeten fait la part belle à sa carrière avec moult illustrations, croquis, vidéos, éléments de travail en tout genre et anecdotes distillées çà et là. L’expo a déjà connu 3 éditions : au Musée royal d’Ueno (Tōkyō) en octobre 2015, au Culturarium Tempozan d’Osaka en mars 2016 et au Niigata Manga Animation Museum de Niigata en février 2017. Pour sa 4e édition à partir de décembre 2017, l’exposition s’est tenue au Musée d’Art moderne d’Aomori, ville particulièrement connue pour son très haut niveau d’enneigement.

Étant en vacances sur Tōkyō, un membre de la rédaction a fait le déplacement spécialement jusqu’à la fameuse ville enneigée pour cette exposition. Et force est de constater qu’il n’a pas été déçu de ses 8 heures aller-retour en Shinkansen, de la neige allant jusqu’aux genoux et des bourrasques de vents typiques d’Aomori… le 7 janvier 2018 en plein hiver.

Flyer de l’exposition.

Commençons le carnet de voyage avec l’arrivée à la gare ferroviaire : le shinkansen dépose ses passagers à la gare de Shin-Aomori. Il est bien possible d’aller au musée en partant de Shin-Aomori, mais notre reporter a préféré se rendre directement à la gare du centre-ville d’Aomori, située à moins de 5 km, en prenant un train ainsi qu’un bus locaux afin de connaître le trajet pour le retour et ainsi visiter le centre-ville.
Bien que le site du musée soit en anglais, les informations pratiques pour l’accès via transports en commun sont assez peu claires : l’arrêt et la direction y sont bien indiquées mais uniquement en anglais, alors que tous les plannings et plans sur place sont en japonais.

Si vous n’êtes pas véhiculé, vous partez avec un handicap, puisque le musée n’est desservi que par une unique ligne de bus provincial, d’une fréquence de 30 à 60 minutes, n’ayant aucune indication autre que des murs de kanji. Sinon, il reste la marche : une cinquantaine de minutes d’après Google, comptez peut-être un peu moins de deux fois plus si vous êtes en hiver car les chemins sont enneigés et/ou givrés (la neige arrive sans souci jusqu’aux genoux).

Mur extérieur du musée.

Une fois arrivé, le Musée des Arts modernes nous accueille de son blanc si immaculé qu’il semble être construit de neige. L’entrée est facilement repérable par les panneaux habituels et par quelques symboles rouges sur le mur *clins d’œil*, utilisant à merveille la couleur du bâtiment.
Le billet d’entrée est à 1200 yens (une dizaine d’euros), et inclut une feuille A5 pour dessiner (on y reviendra) ainsi qu’une photocopie… de la recette de nouilles sautées (Yaki Bifun) d’Ume AOKI (!?). Ce plat de nouilles fait même partie des premiers éléments de l’exposition.
En revanche, l’entrée ne comprend pas l’absolument indispensable audioguide à 600 yens. Il présente les œuvres et salles d’expositions retraçant l’enfance, puis la carrière amateur et professionnelle d’Ume AOKI, ainsi que plusieurs anecdotes et méthodes de travail de l’artiste. Une bonne partie de l’intérêt de l’exposition se trouve dans cet audioguide où AOKI, accompagnée des seiyūs Kana ASUMI (Yuno de Hidamari Sketch) et Aoi YŪKI (Madoka dans Madoka☆Magica), commente les œuvres en question et répond assez longuement aux interrogations des seiyūs. L’audioguide contient de véritables perles où l’illustratrice confesse beaucoup d’informations à ses visiteurs dans une ambiance très girly talk de lycéennes, en bonne partie due aux voix mignonnes des trois protagonistes ainsi qu’à la manière de parler d’AOKI.

Équipé de ses billets, de sa recette de nouilles sautées, de son papier à dessin et de l’audioguide, notre reporter… a dû ranger son appareil car, comme dans toutes les expositions, les photos sont interdites. Les images et photos que vous trouverez ici proviennent soit de l’unique zone où les appareils photos étaient autorisés, soit du livret vendu à la boutique Umeten (qui résume grosso modo le contenu de l’expo).

Le style d’AOKI pendant son enfance.

Umeten commence tout doucement par l’affiche de l’exposition… suivie immédiatement après de l’assiette de nouilles sautées (Yaki Bifun) d’Ume AOKI. Celle-ci est exposée sous cloche, mais le plat en question est évidemment une représentation en plastique du vrai plat (comme dans les devantures des restaurants au Japon).
La première partie d’Umeten est rapidement consacrée à l’enfance et aux études de l’illustratrice, ce qui correspond globalement à la période avant sa professionnalisation. Des dessins d’enfance aussi mignons que moches sont encadrés, et force est de constater qu’elle aimait dessiner des visages larges dès son plus jeune âge. Ses dessins de kaijū sont par ailleurs utilisés comme visuels de t-shirts MIGNONS vendus à la boutique. Par ailleurs, la courte partie consacrée à ses études semblent conforter la théorie comme quoi Yuno est la représentation imagée d’AOKI ; théorie qui ne cesse de se confirmer au fur et à mesure de l’exposition.

Après cette mise en bouche, Umeten nous dévoile globalement dans l’ordre chronologique la carrière d’AOKI. Globalement, puisque la deuxième partie enchaîne directement avec Hidamari Sketch, série de très loin la plus présente dans cette exposition. En effet, Hidamari Sketch représente le début et la majorité de la carrière de l’illustratrice, d’autant plus qu’elle est un témoignage de la légère évolution de son style et que le manga est toujours en cours de parution 14 ans après avoir fait ses débuts. De nombreuses illustrations provenant du manga, en couleur ou en noir et blanc, sont à l’honneur. Des cases humoristiques du manga décorent aussi les murs, avec quelques fois des commentaires de l’auteure écrits à même le mur au feutre. Les illustrations sont parfois accompagnées de croquis en work in progress, afin de comparer les premiers essais aux résultats finaux.


Publicité pour l’exposition de Tōkyō. Les vidéos explicatives sont de même nature.

Des vidéos montrant le processus de travail de l’artiste sont également disponibles, bien qu’on ne voie toujours pas son visage à cause de l’angle de la caméra (et AOKI porte d’autant plus un masque pour se cacher).
Dès les débuts de sa carrière, Ume AOKI a pratiquement toujours travaillé avec une tablette et un stylet. Les différents croquis ont été réalisés sous Photoshop (?). Pour l’exposition un des calques a été imprimé et encadré à côté de sa version finale. Lorsque l’illustration demande plusieurs personnages, elle dessine individuellement chaque personnage dans un fichier différent, puis les importe dans les calques d’un « fichier-maître » définitif où elle peut modifier les positions et échelles des personnages. Le fichier définitif est non seulement le fichier de montage, mais aussi le fichier de colorisation où elle continue d’utiliser les calques. Qui plus est, elle colore systématiquement la peau des personnages en bleu-noir foncé (?) pour mieux repérer les erreurs si elles sont présentes, puis elle change la couleur du calque pour que tout le monde ait la bonne (et unique) couleur de peau.
Un mur présente également le tableau des couleurs utilisé dans la série, ainsi que son équivalent pour la version noir et blanc du manga.

Croquis et tableau des couleurs.

Une représentation grandeur nature de son bureau de travail est également exposée. Apparemment, elle n’est pas assez grande pour que ses pieds atteignent le sol quand elle est assise à son bureau, d’où la présence d’un tabouret. Elle utilise actuellement une tablette Cintiq et bien qu’elle ne le précise pas pour ses premières années, on peut tout de même être certain qu’elle en utilise depuis strictement au minimum 2010 : Ume AOKI a fait la promotion des Cintiq de WACOM en 2010. Quelques figurines de Hidamari Sketch et de Madoka☆Magica ornent son bureau, mais on peut se demander si ce ne sont plutôt pas des figurines qui lui ont été offertes (il y a une figurine de Madoka alors que son personnage favori est Mami). Quelques livres de références (surtout de mode) jonchent le bureau et des petits snacks sont posés dans un petit coin de table, prêts à être mangés.
En effet, parmi les différentes vidéos montrant tout son processus de travail, il y en a une qui présente exclusivement comment se déroulent ses (apparemment nombreuses) pauses : elle aime manger des mini-sardines grillés/caramélisées ainsi que du Sakeru cheese (grosso modo du Ficello), qui sont des snacks typiques pour accompagner l’alcool pendant une beuverie, facilement trouvables dans les supérettes comme le précise la vidéo. Cette même vidéo s’amuse également à montrer qu’une pause, ça peut être aussi un coup de fil où l’artiste semble répondre à son éditeur (ce n’était pas prévu, mais la séquence a été laissée au montage).

La partie exclusive à Hidamari Sketch continue par des croquis des premiers chapitres du manga, à l’époque où elle ne faisait pas tout sur une tablette. Des cahiers très simples (ceux que l’on achète pour l’école) sont remplis de détails sur les personnages, l’histoire, l’agencement des décors, etc., et servaient en quelque sorte de bibles de références au début de la série.

Feuille A5 pour la « chanson de Yuno-cchi ».

L’exposition Umeten devient interactive à deux reprises : lors du dessin de Yuno en chanson et lors de la visite de son appartement grandeur nature.
Un écran projette une vidéo apprenant aux visiteurs comment « dessiner Yuno-cchi en chanson », d’où la feuille A5 distribuée à l’entrée. La chanson, totalement personnalisée, est interprétée par AOKI elle-même, et c’est évidemment elle qui dessine sur la vidéo (qui plus est sur sa tablette, on voit la pointe du stylet sur son logiciel de dessin). Ceux qui ont regardé la série Zan Sayonara Zetsubō Sensei auront reconnu le même principe. Par ailleurs, un fan a retenu les paroles de la chanson et l’a interprétée en faisant un montage avec une vidéo d’AOKI qui dessine.
Le dessin terminé, il est possible de l’accrocher sur le mur à l’arrière de l’écran et de montrer fièrement le résultat aux autres visiteurs. Notre reporter n’a pas tenté de dessiner, étant donné ses piètres performances en matière de dessin, mais doit reconnaître une nouvelle fois qu’Ume AOKI chante vraiment bien.

Appartement de Yuno grandeur nature.

Enfin, une reproduction grandeur nature de l’appartement de Yuno a été réalisée, et il s’agit de la seule partie photographiable d’Umeten. En soit, l’appartement ressemble davantage à l’anime qu’au manga et doit certainement être bien plus grand que prévu par l’artiste (il faut bien que le public puisse le traverser librement). L’entrée se fait naturellement via la porte principale de l’appartement, la salle de bain se trouve immédiatement à gauche et le plan de travail de la cuisine à droite. Puis quelques pas plus loin se trouve le studio mélangeant le salon et la chambre à coucher. Cette pièce offre l’occasion de pouvoir écrire un mot sur un post-it et de le coller au mur. En effet, sur la table basse se trouvent des post-it de couleurs différentes où chacun peut faire un message ou un dessin pour l’accrocher au mur.
La sortie se fait via la fenêtre de l’appartement, où l’exposition continue sur deux branches : la partie sur la série Madoka☆Magica, puis la suite de Hidamari Sketch et les autres œuvres.

Appartement de Yuno grandeur nature.

La partie sur Madoka☆Magica ne fait qu’une grande salle, tandis que celle sur Hidamari Sketch s’étendait sur plusieurs pièces de tailles différentes et était surtout plus variée avec des circuits. Des chara-designs préliminaires sont exposés, quelques designs d’accessoires également, beaucoup d’illustrations décorent les murs de la salle tandis qu’une vitrine avec les shikishis de l’artiste se trouve un peu au centre.
Il est clair que si on n’est pas fan de Hidamari Sketch, l’exposition n’a que très peu d’intérêt. D’autant plus que les autres œuvres d’AOKI ne sont présentées que dans une grande salle « pot-pourri » formée d’un circuit de plusieurs couloirs. Néanmoins, l’exposition Umeten est tout de même régulièrement mise à jour puisque nous pouvons trouver des chara-designs et affiches des personnages de Magia Record, le spin-off sur smartphone de Madoka☆Magica, tels que Tamaki Iroha ou Yui Tsuruno.

Croquis des premières versions des chara-designs de Madoka☆Magica.

Les autres œuvres, amateurs ou professionnelles, sont présentées pêle-mêle par des illustrations en couleur ou en noir et blanc ainsi que quelques cases des autres mangas qu’elle a dessiné (Tetsunagi Kōni, Binetsu Kūkan, Mado no Mukōgawa), des affiches et illustrations officielles pour les différents Comiket où elle a été l’illustratrice officielle (cela change à chaque édition), la mascotte de l’émission et magazine de seiyūs LisAni!, quelques visuels des dōjins qu’elle produisait avec son cercle apricot+, des illustrations de personnages venant d’autres séries (A-Channel, Higurashi, Fate/Zero, OreImo, Papa no Iukoto, etc) à l’occasion d’une compilation de différents artistes, une galerie reprenant ses illustrations de fin d’épisodes pour les autres séries dont celles produites par SHAFT.
Notez que notre reporter n’a pas souvenir d’avoir vu ses travaux sur le visual novel Sanarara, et il semblerait que le jeu avait été aussi absent lors des précédentes éditions d’Umeten.

Ilustrations de fin d’épisodes d’ef – a tale of memories et de Maria†Holic ; visuels officiels du Comiket 75.

Les différences entre les éditions d’Umeten sont généralement assez anecdotiques en terme de contenu, souvent de l’ordre de quelques commentaires à l’occasion du changement de ville. Cependant, la plus grande différence s’avère être en dehors de l’exposition en elle-même : contrairement à Aomori (note : aucune idée si l’exposition à Niigata avait cette même particularité), Tōkyō et Osaka ont eu droit à un café avec plats et boissons au thème de l’exposition (source des photos : Anime Journeys).

Enfin, cette exposition a également apporté une preuve supplémentaire de l’inéluctable vérité que tout le monde aime s’imaginer : que ce soit dans sa manière de parler, dans son timbre de voix, dans son physique ou dans son comportement, il est de plus en plus impossible de ne pas croire que Yuno de Hidamari Sketch ne soit pas la représentation personnifiée et surtout grandement idéalisée de l’illustratrice.


Pour finir ce carnet de voyage, nous vous recommandons un peu de lecture en anglais pour approfondir le sujet :
– la traduction de la recette de nouilles sautées (Yaki Bifun) d’Ume AOKI ;
– la traduction de la formidable interview d’Ume AOKI publiée dans l’artbook officiel de l’exposition.

Partager ce contenu :